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Histoire d’une notion. Dans le Dictionnaire des idées reçues que Gustave Flaubert (1821-1880) commence à rédiger à partir des années 1850, le mot « tourisme » ne figure pas. C’est manifestement trop tôt. L’écrivain, qui a parcouru l’Orient pendant trois ans avec son ami Maxime Du Camp (1822-1894), fut pourtant un touriste avant l’heure. Le mot « voyageur », lui, figure bien dans l’abécédaire, avec comme définition : « Toujours intrépide. » Ce qui tisse un lien avec ce que dénonce le journaliste et alpiniste François Carrel, dans son essai Himalaya Business (Paulsen-Guérin, 160 pages, 22 euros).
La dernière lubie planétaire – réservée aux plus riches – consiste en effet à ouvrir les vannes du tourisme aux quatorze sommets de 8 000 mètres du massif himalayen. A la question « Pourquoi gravir l’Everest ? », la réponse de l’alpiniste George Mallory (1886-1924) était « parce qu’il est là » ; celle des « joueurs grimpeurs » d’aujourd’hui est plutôt individualiste : « Parce que je suis là », constate François Carrel.
Ce changement de paradigme marque l’entrée dans l’ère du surtourisme, une notion qui est très récente. Apparue en 2008, elle a fait l’objet d’un dépôt légal dix ans plus tard par Skift, la plus grande plate-forme américaine spécialisée dans l’industrie du voyage. Surtout, « l’évocation du surtourisme alimente l’historique procès du tourisme de masse », alerte le géographe Rémy Knafou.
La dénonciation de l’excès de tourisme est aussi vieille que sa pratique. Pour Jean-François Rial, PDG de Voyageurs du monde, agence spécialiste du voyage sur mesure, « le surtourisme entraîne la mort du tourisme ». Il en est aussi la négation, car il ne permet plus la découverte des autres cultures, et pose également d’importants problèmes écologiques, en particulier d’érosion des sols ou d’approvisionnement en eau.
Dans le monde, des lieux uniques comme la tour Eiffel ou le Taj Mahal, ainsi que des espaces naturels, sont devenus difficiles à préserver de la surfréquentation. Et Instagram a démultiplié ces sites : la rue Crémieux, dans le 12e arrondissement de Paris, devenue un hot spot du Paris typique, et, avant cela, la place de l’Estrapade (5e), popularisée par la série Emily in Paris en 2020, ou, encore plus anciennement, l’église Saint-Sulpice (6e), qui était au cœur d’un parcours Da Vinci Code. L’essor des compagnies aériennes à bas coût a également cassé les frontières, rendant accessibles les pays plus reculés, d’où la montée des réactions de rejet de la part des populations locales et la volonté de limiter l’accès à certains lieux par des péages, comme en Suisse au lac de Brienz, ou la mise en place de quotas, comme dans les calanques marseillaises.
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